Lors de mes années d’études à l’école régionale des beaux-arts de Rouen, j’ai développé une pratique de sculpteur et de graveur. J’ai concentré mon travail sur le thème du paradis perdu et à partir de cela, j’ai organisé tout un univers autour d’un personnage qui s’apparentait visuellement au clown (symbole du maître d’école ou représentation de l’artiste démiurge qui ordonne son propre monde). Le monde de ce personnage se liait avec celui d’animaux : éléphants, rhinocéros et hippopotames. Chacun de ces animaux était porteur d’un symbole tel que la délité, la protection ou la force. Tout s’organisait autour de ce clown et de cette quête d’un monde parfait, sans faille. Le sens de tout ce travail était en fait la quête de l’essentiel, d’un espace de vie sans meurtrissure et sans violence. Le clown n’apparaissait que dans les gravures, il régissait ce monde et dans les installations des volumes, il est évident que je prenais la place du clown. L’éléphant symbolisait la protection. Dans la nature il se déplace en famille. Le troupeau est mené par les femelles suivies des petits et les mâles ferment la marche. Ces derniers ne reprennent la tête du trou- peau que lorsqu’un danger se fait sentir. Je crois que cela me plaisait beaucoup cette proposition familiale où la femelle n’a pas qu’un rôle de maternité mais où elle peut aussi choisir l’itinéraire du groupe ou du moins y participer. Tout semble s’échanger de façon harmonieuse. Le rhinocéros était l’expression de la délité. Dans la nature, il reste dèle à sa femelle jusqu’à la mort. J’ai trouvé cette attitude, cet atta- chement à l’autre émouvant, voire romantique. Je vis dans une société où l’autre n’a parfois que si peu d’importance. Dans les maternités du Havre, un enfant sur deux naît de jeunes femmes célibataires. L’hippopotame était la force. Il effraie le crocodile. Sa mâchoire peut déchirer l’armure du reptile amphibien en si peu de temps. Malgré cet aspect dangereux qu’il dégage, il est capable de sauvetage aussi atten- drissant qu’inutile. Dans un documentaire sur la faune africaine, j’avais été stupéfaite par l’action d’un hippopotame venu au secours d’une gazelle qui avait été abîmée par un crocodile. Ce dernier avait chassé l’agresseur et poussé la bête agonisante sur le bord de la rivière. Il l’avait « veillé » jusqu’à ce qu’elle meurt. Un autre trait de caractère m’intéres- sait chez cet animal : sa manière de combattre un congénère. De façon très particulière, le combat se pratique en déféquant. En même temps que les deux protagonistes défèquent, ils font tournicoter leur queue et se projettent ainsi leurs excréments à la face. Celui qui n’a plus rien à projeter, a perdu : il s’incline et s’en va sans broncher davantage. J’ai ainsi organisé mon monde, usant de paradoxes. Moi qui voulais dessiner un monde presque parfait, voire idyllique, je modelais des pa- chydermes, des êtres lourds et disgracieux. J’aurais pu m’attacher à des animaux qui ne suscitent que l’émerveillement du plus grand nombre ou qui ont des symboles divins comme le cygne ou l’aigle. Mais je me suis souvenu du mythe de « Parsifal et du roi pêcheur » et j’ai trouvé cela plus juste de mettre en scène des petites choses qui ne dévoilent pas tout d’un coup et peuvent changer notre vision du monde. Dans le mythe de Parsifal, le roi se meurt, la nature toute entière dépé- rit, les oiseaux ne chantent plus, l’eau se fait rare et tout se tarit. Tous les personnages élevés en dignité s’enquièrent de la santé du roi sans aller à son chevet et voici qu’un misérable chevalier à l’allure dépenail- lée arrive au château et sans se préoccuper du protocole s’agenouille auprès du roi et lui demande « où est le Graal ?». « À ce moment, le roi se lève et tout re eurit, les oiseaux chantent à nouveau et les rivières regorgent d’eau. Il avait posé la question de l’essentiel : l’homme face à lui-même et l’homme face au divin. Où se trouvait le réel, le sacré, le centre de la vie et la source de l’immortalité ? [...] Le monde périssait à cause de cette indifférence métaphysique et religieuse, à cause de ce manque d’imagination et d’absence du désir du réel. » Mircéa Eliade, Images et symboles. Paradis Pour mettre au point mon installation, je suis partie sur l’idée de cette quête du paradis perdu, du sacré, j’ai construit trois arches par les- quelles on pouvait entrer. Sur chacune de ces arches étaient gravés élé- phants, rhinocéros, hippopotames et eurs en tous genres. Ces arches représentaient des portes qui permettaient de sortir d’un monde où la réalité n’est pas toujours agréable (avec ses con its, ses contraintes, ses angoisses et ses violences de toutes sortes) pour pénétrer dans un autre monde où couraient ces petits pachydermes recouverts de feuille d’or. Cette couleur leur donnait un caractère précieux, divin. Je retrouvais ce paradis perdu. Je pense d’ailleurs à Masaccio, à son Adam et Ève chas- sés du paradis terrestre, la douleur et leur cri de désespoir me touchent toujours autant quand je regarde ce tableau mais aussi au Polyptyque de l’agneau mystique de Van Eyck et le retour de ces hommes et femmes bienheureux vers une cité céleste toute nouvelle. Cette quête existe dans mon travail et ces petits animaux avec leurs symboles, qui peuvent sembler désuets, en expriment un aspect. La seconde partie de mon travail prend sa source en Égypte où je me suis rendue en novembre 1990. Je partais avec mon mari pour une rési- dence d’artiste de trois mois à côté d’Alexandrie. Je dois dire que l’arri- vée dans ce pays a été un grand choc pour moi. J’imaginais sûrement et béatement que tout tournait encore comme au temps prestigieux des pharaons, richesse et grandeur, Moubarak en grand Ramsès. Je n’ai vu que de la misère, des enfants mutilés, des bâtiments inachevés où les gens se rassemblaient autour de feus allumés dans des bidons en métal. Des fous errants, des femmes à qui ont avait volé la beauté tant elles étaient dans un état de misère extrême. Certes, j’ai vu la belle Égypte de l’histoire, je me suis aussi émerveillée devant ses monu- ments, ses temples (Assouan, Philae, Karnak, Louxor, Menphis...), j’ai même mangé du poisson à Rachid (village où Champollion a découvert la fameuse pierre de Rosette — Rachid, en arabe) dans une sorte de guinguette au bord du Nil. J’ai admiré ce que des humains ont construit avec des moyens rudimentaires, il y a des siècles. Au Caire, où nous devions exposer il y avait un hôtel de grand luxe à l’enseigne améri- caine. Nous allions y prendre un thé pendant l’installation de nos sculp- tures et pro ter des toilettes mises à disposition des clients (la galerie où nous exposions n’en avait pas) et je me souviens avoir été éberluée de voir une ville dans la ville. Les touristes qui séjournaient dans l’hôtel pouvaient se contenter de tout ce qui était mis à leur disposition et vivre dans le grand luxe sans se confronter à la réalité du dehors. Rien de ce que nous avons vu ne peut se voir si l’on ne fait l’effort de vivre comme les Égyptiens. J’avoue que cela m’a mise en colère, j’avais du mal à sup- porter cette misère, cette souffrance. Je n’y étais pas préparée. Je voyais le tiers-monde et ce n’était plus à la télé. C’était devant moi et tous les jours. J’ai mis quelques semaines à me remettre avant de pouvoir travailler. Puis j’ai commencé à fabriquer des caisses Canope. Elles étaient au nombre de quatre, comme dans les chambres funéraires des pharaons. Elles contenaient des eurs, des mots, de jolis mots qui étaient comme des offrandes, des mots précieux qu’il fallait sauvegarder : humanité, sauver, guérir, bonheur, félicité... Il y avait aussi une stèle funéraire sur laquelle étaient posés un petit éléphant, un petit rhinocéros et un petit hippopotame qui semblaient lire trois mots écrits au crayon. Éléphant, rhinocéros, hippopotame étaient ces trois mots qui faisaient écho à protection, délité, force, les symboles de mes trois pachydermes. Je reprenais les formes liées aux rites de l’Égypte ancienne pour, à mon tour, momi er, à travers ces petits personnages, une partie de mon travail, a n de le sauvegarder de la misère faite à ce monde. À partir de ce moment-là, ces formes ne réapparaîtront plus dans mon travail plastique. Seuls les mots resteront.
EMPLOI ACTUEL
Assistante Spécialisée d’Enseignement Artistique contractuelle (12 heures hebdomadaires), cours post et périscolaires à l’École Supérieure d’Art du Havre
ÉTUDES
de 1983 à 1985 de 1985 à 1991 en 1989
1987
1989 1991
jeune lle au pair aux États Unis et initiation à la céramique en Californie étudiante à l’École Régionale des Beaux Arts de Rouen (76)
stage de 8 semaines à la Fine Art School of Edimburg (GB)
Certi cat d’initiation plastique
Diplôme National d’Arts Plastiques et CESAP
Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique option Art
LANGUES ÉTRANGÈRES
Anglais : lu, écrit, parlé Allemand : niveau baccalauréat
EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE
1989-1992 Professeur de céramique à la MJC de Rouen rive gauche
1990 Intervenante Arts Plastiques auprès du personnel soignant du Centre pour handicapés mentaux de Breteuil sur Iton
1991 à 2005 Responsable de l’atelier “Arts plastiques” au Centre André Malraux (Ville de Rouen)
1995 à 1997 Professeur de dessin à l’école d’arts appliqués Project
1996-1998 Intervenante Arts Plastiques dans le cadre de l’ARVEJ dans les écoles de Pont-Audemer
2001 et 2002 Séminaire “Aux Arts Citoyens”
2002 Classe à PAC Ecole Maternelle Dolto à Rouen
2003 Classes à PAC Ecole Maternelle Mésangère à Barentin, Ecole Maternelle de Gournay en Bray, Ecole Primaire Decorde au Fossé, Collège Chartier à Darnétal
2005 Crée une micro-société de Design et conçoit des objets pour l’entreprise “le comptoir normand”
2006 Participe aux Assises nationales des écoles supérieures d’art, Rennes
Depuis 2008 ASEA à l’ESAH puis l'ESADHaR
ORGANISATION D’EXPOSITIONS
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2002 Commissaire de l’exposition “3” (Nicolas Hérubel, Céline Poulain, Paolo Faber) au Centre André Malraux
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2003 Commissaire avec la Galerie Duchamp de l’exposition “A comme Anatomie, le cabinet de curiosités” (Trees De Mits, Alain Terlutte, Markus Käch, Thomas Fontaine, Muriel Toulemonde, Christophe Touzot, Gildas Lemonnier, Dominique Thebault, Dominique Rouzié, Martien Van Beeck, et le Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen, le Musée Flaubert et d’Histoire de la Médecine à Rouen, le Musée de l’Écorché d’Anatomie au Neubourg) au Centre André Malraux
2004 Commissaire de l’exposition “3” (Alain Sonneville, Guy Lemonnier, Marc Hamandjian) au Centre André Malraux
EXPOSITIONS DE GROUPE (sélection depuis 1990)
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1990 “EXPO 5” , Ferme de la Haute-Crémonville (76)
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1991 “Le déjeuner sur l’herbe”, Cloître du Musée de l’Ancien Évêché, Évreux
“Les Arts d’Août”, 16ème Salon d’Art Contemporain de Longueville sur Scie (76)
“La fureur de lire”, Salon du livre, La Halle aux Toiles, Rouen
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1992 “Viva Cité”, Sotteville-les-Rouen
“Transport”, Espace SIVOM, Rouen
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1993 “L’entrepôt à...”, l’entrepôt à sel, St Valéry sur Somme
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1994 “10 ans”, École d’architecture de Normandie, Darnétal
1996 “Noël 96”, Espace du Palais, Rouen
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1998 “Jardins divers”, Galerie Duchamp, Yvetot
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1999 “Au jardin de l’ANETH”, Manoir du Fay, Yvetot
2001 “Kunst & Zwalm”, biennale d’art contemporain de Zwalm, Belgique Flamande 2003 “Habit ou Habitat”, Galerie Duchamp, Yvetot
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2005 “Nature”, Cany Barville
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2006 “Cabanes“, Veules-les-Roses
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2007 “Villa Vincelli“, Fécamp
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2008 “Ciels“, Saint Valery-en-Caux
EXPOSITIONS PERSONNELLES (sélection)
1990 “M-C Bachelier”, galerie de l’École des Beaux Arts de Rouen
“Happy goose”, galerie Orman, Le Caire (Egypte)
2005 “Les Iconoclasses 7”, école maternelle Thomas, Dieppe
RÉSIDENCES D’ARTISTE
1990 Centre El Shona, près d’Alexandrie (Egypte)
2005 Les Iconoclasses 7 à l’école maternelle Thomas de Dieppe
CATALOGUES (sélection)
“Les Arts d’Août”, 1991
“Transport”, édition du Sivom,1992
“Jardins divers, le cahier pédagogique”, édition pour les enfants de la Galerie Duchamp, 1998 “Au jardin de l’ANETH”, dépliant de cartes postales, édition ANETH, 1999
“Kunst & Zwalm”, édition Boem, Belgique, 2002
“Habit ou Habitat, le cahier pédagogique”, édition pour les enfants de la Galerie Duchamp, 2003 “Habit ou Habitat”, collection “petit format”, édition de la Galerie Duchamp, 2003
“Les Iconoclasses 7”, collection “petit format”, édition de la Galerie Duchamp, 2006
COLLECTION PUBLIQUE
1999 Éxutoire, œuvre installée dans le jardin du Manoir du Fay, Yvetot
ILLUSTRATIONS
“La Fée Lulu / Naissance de la fée Lulu“, texte Thierry Heynen “La Fée Lulu / Rencontre courtoise“, texte Thierry Heynen “Les Princesses“, texte Klairie Lionaki
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